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HOMÉLIE DE LA NATIVITÉ DE JEAN BAPTISTE

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Nativité de Jean Baptiste
HOMÉLIE DE LA NATIVITÉ DE JEAN BAPTISTE

(Prononcée le 24 juin 2001, les évènements cités sont de cette époque)

La veille : Jr 1, 4-10 ; 1 P 1, 8-12 ; Lc 1, 5-17 – Le jour : Is 49, 1-6 ; Ac 13, 22-26 ; Lc 1, 57-66, 80

Il y a quelques jours, sur la Une, le journaliste de service annonçait la mort de René Dumont, qu’il présentait comme un prophète de l’écologie politique, un visionnaire et un pionnier. Certains journaux y ont ajouté le qualificatif de précurseur. Celui qu’on avait surnommé l’ »agronome de la faim » le fut en effet dans le combat contre le gaspillage des ressources naturelles. Ceux que l’on considère d’abord comme des fous et même des fous dangereux, par la suite, après les critiques, les persécutions et le calvaire, sont souvent qualifiés de héros.
Quelques jours plus tôt, Paris recevait ce déjà célèbre Indien du Brésil, Araoni, chef de la tribu des Kayapoca, dont la bouche à plateau rouge est le signe distinctif des volontaires prêts à mourir pour leur terre. Ils combattent pour les pauvres et pour la sauvegarde de la planète, David contre Goliath. Or, nous savons que la défense des pauvres et des faibles, celle des droits de la personne humaine, ont leurs prophètes et leurs martyrs. A fortiori si, comme dans la Bible, la cause de l’humain et celle de la création sont inspirées par la cause de Dieu et font corps avec elle.
La fête de S. Jean Baptiste le rappelle aux chrétiens et aux musulmans qui, eux aussi, le vénèrent comme grand prophète et précurseur de l’Islam. Sa tombe est d’ailleurs conservée à Damas, dans une mosquée.
L’ensemble des textes liturgiques de la vigile et de la fête nous font découvrir la vocation prophétique à travers celles de Jérémie et d’Isaïe. Ce qui nous permet de mieux comprendre non seulement celle de Jean Baptiste, mais aussi la nôtre. Car il y a des vocations de prophètes parmi nous.
Prenons Isaïe. C’est un homme ardent, décidé, intrépide, concret. Non pas un révolutionnaire, mais un réformateur. Les discours théologiques ne sont pas sa tasse de thé. Ses grandes préoccupations sont sociales. Il manie la Parole comme un glaive à deux tranchants pour dénoncer le luxe, l’oisiveté et l’arrogance des puissants, l’orgueil de la nation et de ses responsables, la corruption des juges et toutes les injustices commises au détriment des plus faibles. Il ne cesse de harceler les classes dirigeantes pour qu’elle pratiquent enfin la justice. Il avait vu trop clair. Il deviendra gênant. Il finira de mort violente. Probablement scié en deux, sur l’ordre du roi de Judas (Osty, 2 R 21, 16). Il n’y a pas de quoi s’étonner : Jean Baptiste sera décapité, Jésus crucifié… Et cela continue.
Isaïe et Jérémie furent tous deux des semeurs et non pas des moissonneurs. Jean Baptiste aussi. Fils de prêtre, il conteste le rôle du Temple et du sacerdoce. Pas question donc pour lui de marcher sur les traces de son papa. De plus, il n’est pas le seul à critiquer les impuretés légales et le système des ablutions qu’il fallait régulièrement pratiquer, simplement parce qu’on avait parlé à un païen ou touché un mort. Comme d’autres jeunes des mouvements baptistes de l’époque, il trouvait hypocrites les sacrifices qu’il fallait offrir pour obtenir le pardon de ses péchés. Avec d’autres, il voulait une véritable conversion en profondeur et manifestée par une transformation du comportement.
C’est pourquoi on le verra réclamer le partage avec les démunis, l’honnêteté professionnelle, le respect d’autrui, la réduction des rites pour se contenter d’un seul baptême. Non pas magique ni purement rituel, mais conditionné par la confession de ses péchés pour commencer une vie nouvelle. Et plus question désormais d’exclure les collecteurs d’impôts, les prostituées, les immigrés, les militaires. Jean annonçait ainsi une voie religieuse originale par rapport au judaïsme officiel qui, lui, était centré sur le Temple de Jérusalem, la pratique des rites et des sacrifices. Mais Jean ne se prendra pas pour la « lumière » ni le Messie. Tout en restant ouvert à l’inattendu et sans être sûr de rien.
Jésus va se manifester dans les mêmes perspectives générales et cependant différentes. Jean annonce le châtiment, Jésus propose la miséricorde. Jean multiplie les austérités, Jésus partage sa table avec les pécheurs. Jean utilise l’image apocalyptique de la moisson toute proche, Jésus, lui, parle de semences. Et si Jean annonce le Messie, il n’arrive pas vraiment à le reconnaître : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? ». Mais, sans être sûr à cent pour cent, il a quand même été capable de reconnaître l’agneau de Dieu au milieu des hommes et des femmes de son temps, qui, eux, ne s’en étaient même pas aperçu. Jean Baptiste, dira S. Augustin, est « un personnage de l’Antiquité et le héraut de la nouveauté » (Bréviaire 24 juin 1116).
Mais les prophètes ne sont pas seulement des hommes et des femmes du passé. Par le baptême et la confirmation, nous sommes introduits dans « un peuple de prophètes », c’est-à-dire de témoins, chacun selon ses capacités, ses talents, la place qu’il occupe, les responsabilités qu’il doit assumer. Le prophétisme est l’un des services de communauté. Par sa foi, le prophète cherche à découvrir et à reconnaître la présence et l’action de Dieu ou de l’Esprit dans les évènements de la vie ordinaire, qu’ils soient politiques, économiques, culturels, religieux ou sociaux. Le prophète est attentif à tout ce qui se passe, c’est-à-dire aux signes du temps présent.
Il s’agit de les lire et de les interpréter dans la foi, pour que la Bonne Nouvelle de l’Evangile puisse s’incarner dans des situations nouvelles, dans un langage nouveau. Le prophète ne vit pas dans la nostalgie d’un passé qui est mort ou en train de mourir. Il est donc attentif à toutes les questions, à tous les défis de son temps et il est capable de chercher des réponses avec d’autres, y compris des non chrétiens. C’est un don de l’Esprit, un charisme. Une vocation à hauts risques.
Il y a donc des prophètes et des prophétesses parmi les baptisés confirmés. Ils ne doivent pas pour autant être prêtres ou théologiens, ni spécialisés dans quelque domaine que ce soit. « Oh ! Seigneur, disait Jérémie, je ne sais pas parler, je ne suis qu’un enfant ». « Je mettrai dans ta bouche mes paroles, dit le Seigneur. » Il faut donc apprendre à entendre les prophètes et oser les écouter. Sachant, comme l’écrit Mgr Rouet, que l’ »intelligence de la foi, ce n’est pas simplement la répétition des réponses, mais aussi la recherche innovante des chemins de la foi ».

Saint Jean Baptiste, priez pour nous, aidez-nous.

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008


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